Be perfect.

Ma lettre.

Rappelle-toi quand tu étais petite, comment tu pleurais quand on t'a dit que tu étais grosse. Rappelle toi comment tu te jetais sur la nourriture comme on s'accroche à une bouée de sauvetage. Et les jours où tu refusais de manger pour attirer l'attention. Enfin on se souciait de toi, enfin tu existais. Rappelle toi tes larmes, devant le miroir, déjà. Et puis tu as commencé à grandir. Oh, comme tu as pleuré lorsque tu as eu des seins, tu te souviens ? 


Tu ne voulais pas grandir, tu voulais garder pour toujours ce corps de bébé, ces épaules fluettes, ces petites jambes. Tu n'as pas trop grandi, d'ailleurs, tu es restée toute petite. Aujourd'hui encore tu ne te considères pas comme une femme. Tu prends peur quand on te parle du futur, de mariages et d'enfants. Ces idées absurdes. Le simple fait de tomber enceinte un jour te terrifie. Tu joues le bébé, tu t'enfermes dans ta bulle, dans ce monde beau et délicat qu'ils ne connaissent pas. Le monde des adultes est trop effrayant, n'est-ce pas ?

Le monde, les hommes et leurs guerres. Pourquoi tous ces drames ? A quoi ça sert ? Et plus le temps passait, plus tu étais convaincue d'avoir raison. Alors, petit à petit, tu arrêtais de manger de la viande ; c'est une honte ça, la viande. Une honte de tuer des petits animaux pour satisfaire son corps. Parfois, tu arrêtais de manger tout court. "Mais non, tu n'es pas grosse", disaient les autres. Mais tu savais qu'ils mentaient. Ils mentaient forcément, sinon tu ne te serais pas mise à paniquer devant ton reflet. Tu voulais hurler, pleurer. Mais tu étais trop fière, et les larmes ne coulaient pas alors... dans la nuit tu descendais à la cuisine pour y prendre un yaourt. Puis une tranche de brioche, puis le reste de riz, puis un autre yaourt... Tout y passais, tu avais envie de vomir mais tu avais trop peur. Alors tu allais dormir, honteuse et malheureuse, persuadée plus que jamais que tu ne valais rien.

 

Et puis un jour, Il. Il était différent, Il comprenait toujours ce que tu ressentais. Il sortait les mots avant que tu ne les dises et comprenait en un regard le fond de ta pensée. Avec Il tu n'avais jamais faim, tu volais au dessus du ciel et tu emmerdais le monde entier. Tu étais heureuse. Puis Il est parti, Il a couché avec un tas de salopes. Elles étaient connes, futiles, stupides. Et toutes plus minces que toi. Tu sais parfaitement qu'Il est parti à cause de ça. Parce qu'Il préférait les apparences. Et au lieu de lui en vouloir, tu te haïssais. Il revenait de temps en temps. Mais Il repartait toujours, et tu vidais ton chagrin dans les boîtes de céréales...

Un jour, au bout du rouleau, après avoir pleuré toutes tes larmes, tu as pris une grande décision, une sage décision. Oublier Il, et perdre du poids.

 

Alors tu vas maigrir, tu vas t'occuper de toi et faire les choses correctement. Tu vas trouver un poids aussi léger que ton esprit, et arrêter de briser les miroirs. Un jour, plus tard, tu reverras Il. Il se rendra compte de sa connerie, stupéfait par ton changement. Mais toi, transformée, tu ne voudras plus de lui. Tu n'auras plus besoin d'Il, et plus aucune remarque ne te fera pleurer. C'est ce que tu veux plus que tout, n'est-ce pas ? Alors fonce, vas-y ! Tous les moyens sont bons pour atteindre ton objectif, ta santé ne compte pas, pas plus de l'inquiétude de tes proches. Tout ce qui compte c'est ton but, ta course au corps d'enfant.

 

Tu vas leur prouver qu'ils avaient tort.



19/03/2011
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